Music of the Spheres : Coldplay en route sur une trajectoire lunaire ?
Coldplay a dévoilé vendredi 15 octobre 2021 son neuvième album : Music of the Spheres, volume 1. Deux ans après Everyday Life et son esprit intimiste et feutré, “MOTS” souhaite nous envoyer en apesanteur. Un pari presque réussi.
Prenons un peu de hauteur, quelques dizaines de kilomètres au-dessus de nos yeux et partons rejoindre Thomas Pesquet. Nous sommes en mai 2021 et le spationaute français dévoile en direct depuis la Station Spatiale Internationale Higher Power. Une chanson dansante, avec un thème encore jamais exploré par Coldplay : l’espace. Des indices nous avaient envoyés sur cette voie les semaines précédentes, comme Alien Radio FM par exemple et ses messages cryptés depuis l’espace.
Prenons désormais encore plus de recul et posons nous quelques secondes devant la carrière de Coldplay. Depuis 2008 et Viva La Vida, aucun album n’est une suite de son prédécesseur, musicale en tout cas. Mylo Xyloto, Ghost Stories, A Head Full of Dreams, Everyday Life et donc Music of the Spheres. Le groupe ne le cache pas, il a envie de tester des choses. Passés les vingt ans de carrière et quarante ans tout court, cela se comprend. Cette philosophie, le quatuor l’a même partagée sur Instagram. Preuve en est aussi son duo avec BTS : My Universe. Une chanson dansante comme le groupe sait le faire depuis une dizaine d’années, avec peut-être une forme d’apogée ici, nous reviendrons dessus.
Une mise sur orbite ?
Naturellement, au moment de la première écoute en ce vendredi d’octobre, l’attente est grande. Comme à chaque album diriez-vous, mais là peut-être encore plus. Pourquoi ? Parce que le teasing et la communication autour de ce neuvième opus ont été originaux, imposants et réussis. Cependant, nous ne demandons pas à Coldplay de faire de la communication, mais de la musique. Chose qu’ils savent faire bien entendu, mais non pas sans critiques ni interrogations, surtout depuis leur virage de 2008. Treize ans plus tard (oui déjà), nous y avons encore droit.
Malheureusement, ce premier volume de l’album intitulé “From earth with love” manque d’homogénéité, de fluidité. Chose que nous attendons d’un album, surtout que Coldplay sait le faire. La chanson d’ouverture éponyme de cet opus est plutôt une bonne surprise. Certains y verront peut-être un parallèle à Mylo Xyloto : une introduction instrumentale, comme un apéritif lors d’un réveillon. La suite nous met l’eau à la bouche avec Higher Power, premier single de cet album. Chanson dansante, rythmée mais (à mon sens) pâteuse sur sa première partie avant l’arrivée du riff de Jonny Buckland sur le dernier refrain. Un décollage et une mise en orbite plutôt réussie.
Des bonnes surprises
Vient ensuite une des bonnes surprises de cet album : Humankind. Cette batterie, ce son lourd en ouverture de chanson… Juste ce qu’il faut. Ce titre est ce que l’on attend d’une chanson de cœur d'album de Coldplay : quelque chose qui nous transporte musicalement. Malheureusement, cet opus manque cruellement de ce type de chansons, à l’opposé de Viva la Vida ou Ghost Stories par exemple. Une suite logique de chansons qui ne brusquent pas notre esprit. Un peu comme si, en lisant un livre, nous avons l’impression qu’il manque un chapitre.
Autre défaut de cet album, les phases de transition sont longues, très longues, trop longues. Parfois inutiles en plus. Attention, musicalement ces titres ne sont pas ratés, à l’image de Alien Choir qui ouvre Let Somebody Go, une balade musicale en duo avec Selena Gomez. Une collaboration qui fonctionne, mais pas sur la bonne chanson, nous y reviendrons. Autre exemple avec Human Heart, qui comme son nom l’indique est un… chœur. Une chanson assez longue (plus de 3min) en plein centre de cet album. N’aurait-elle pas été mieux placée en ouverture de MOTS ou bien en avant dernière chanson ? De même, mérite-t-elle d’être aussi longue sur un album de presque 42 minutes ?
Un OVNI (quasi) parfait dans un album plein de paradoxes
Vient ensuite l’OVNI de ce disque, mais quel OVNI ! People of the Pride, mais bord** que cette chanson manquait ces dernières années ! Un titre rock, un gros solo de guitare en ouverture (coucou Muse), repris plusieurs fois sur la chanson. Vous vous souvenez de ce que je disais plus haut sur des titres de cœur d’album ? Cette chanson est le modèle parfait d’une chanson réussie, mais ce, dans un album rempli de paradoxes. People of the Pride est le style parfait de chanson que l’on écoute sur un coup de tête, car c’est une très bonne chanson. En revanche, dommage d’avoir gâché cet élan.
Biutyful. Typiquement le genre de paris que se lance Coldplay depuis quelques années. Une chanson rythmée autour d’une batterie électronique avec… la voix de Chris Martin modifiée. À l’oreille plutôt une réussite mais encore une fois… était-ce nécessaire ? Selena Gomez n’aurait-elle pas eu sa place ici plutôt que sur Let Somebody Go ? Vient ensuite une des pires (si ce n’est la pire) transitions de chansons de la carrière de Coldplay : Music of the Spheres II. Pendant quelques secondes je me suis demandé si je n’avais lancé le Live in Buenos Aires de 2017. Quelle utilité d’insérer du public dans un album studio qui par définition n’est pas un album de concert ?
Entre réussite(s) et échec
Quel dommage, car la chanson suivante est la meilleure collaboration de Coldplay avec un autre artiste, en ballotage avec Up&Up. My Universe : la chanson ultime de ce que fait Coldplay depuis dix ans. Un titre dansant, rythmé, en duo, qui fonctionne aussi bien dans sa salle de bain que dans un stade. Seul bémol, sa fin qui encore une fois pose une question : quelle utilité apporte cette reprise instrumentale ? Comme le dessert au restaurant raté après un super repas.
Nous nous dirigeons vers la fin de ce disque et découvrons Infinity Sign. Les fans assez anciens reconnaîtront le “Ole Ole Ole” datant de l’ère Viva La Vida. Un joli clin d'œil. Vous me direz : “tu ne critiques pas le fait que l’on entende du public?”. Non, car cela apporte quelque chose au titre, et l’effet “live” se fait beaucoup moins sentir que précédemment. En revanche, et encore une fois, cette chanson transition vers le titre de fermeture est trop longue.
Posons-nous devant la pépite de cet album : Coloratura. Enfin une balade de Chris Martin en solo avec son piano. Fermez les yeux et imaginez les lampes des smartphones au Stade de France. Vous êtes sur l’exemple de ce que sait produire Coldplay : une chanson de fermeture qui transmet une émotion et un voyage musical. L’émotion, sentiment que n’apporte pas assez cet album. Tout comme le voyage, un véritable paradoxe quand le thème de l’album est… l’espace.
Au final, Music of The Spheres n’est pas un album raté, mais manque de liens entre ses chansons, et d’une forme d'homogénéité avec un ensemble de titres qui partent dans tous les sens par moments. Passé l’euphorie de la tournée et une nouvelle ère d’ici quelques années, que retiendrons-nous de cet album ? Est-ce l’album de Coldplay que nous lancerons pour occuper une partie de Monopoly avec sa fiancée ? Non. Est-ce un chef d'œuvre musical ? Non plus. Simplement un thème que Coldplay voulait explorer, chose que l’on ne reprochera jamais, car comme ils l’ont dit, d’autres albums existent pour être écoutés. Deux autres volumes de Music of the Spheres pourraient bien paraître, de quoi nous faire patienter et espérons-le, voyager musicalement.